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La vérité sur le fameux "Coup de Jarnac"!

Aujourd'hui, direction Jarnac en Charente pour décortiquer une expression française bien connue : l'expression du "coup de Jarnac" ! 

Elle désigne un coup violent et imprévu. Alors si de nos jours, cette expression a pris une connotation de coup déloyal, ce n'était pas le cas à l'origine. 

Le premier truc à savoir : c'est que le coup de Jarnac n'a pas eu lieu à Jarnac ! Mais dans un champ de bataille clos au château de Saint Germain en  Laye le 10 juillet 1547.

Armoiries de la famille Chabot de JarnacAlors pourquoi et quel est le rapport avec le nom de Jarnac?


Et bien c'est à cause de l'un des protagonistes principaux : Guy (ou Gui) Chabot de Saint Gelais, futur deuxième baron de Jarnac.

Si vous regardez bien autour de vous dans les ruelles de la ville de Jarnac, vous verrez bien souvent les armoiries de sa famille : "d'Or, à 3 chabots de Gueules posés, deux et un". 

 panneau duel de Guy Chabot - place du château à Jarnac

Guy Chabot baron de JarnacLes protagonistes du "Coup de Jarnac"

Alors c'est parti.... l'histoire n'est pas simple !

Guy Chabot de Saint Gelais, futur deuxième baron de Jarnac s'était marié en 1540 avec Louise  de Pisseleu... Je vous imagine déjà pouffer de rire ... Mais, comme la plupart d'entre nous, dites vous bien que ce n'est pas elle qui a choisi!


Louise de Pisseleu, donc, c'est la soeur de la duchesse d'Etampes. La duchesse d'Etampes, de son petit nom Anne de Pisseleu, c'était la maîtresse de François 1er ... Et donc ça fait de notre ami Guy, le beau frère d'un proche , mais vraiment très proche du  roi.

Certaines méchantes langues vont même jusqu'à dire que Anne était aussi la maîtresse de Guy et qu'elle l'aurait marié à sa soeur juste histoire de faire taire les rumeurs ! Mains nous entrons  là dans un  domaine plus intime....  je dirais même que cela ne nous regarde pas !

A côté de ça, Anne était en constante rivalité avec Diane de Poitiers, une autre protagoniste de notre histoire . Diane, quant à elle, c'était la maîtresse du futur Henri II, qui n'est encore que le Dauphin dans l'épisode  qui nous occupe aujourd'hui .

 

Le fond de l'histoire du "Coup de Jarnac"

Bon alors voilà... Guy mène la belle vie à la cour, tranquille quoi... Un jour qu'on lui demande d'où lui venait la richesse de ses vêtements, il répondit qu'il la devait à la générosité de sa belle mère Madeleine de Puyguyon, seconde épouse de son père le baron Charles Chabot.

Ces propos tenus devant Diane de Poitiers et peut-être aussi le Dauphin, futur Henri II (selon les sources) vont être déformés pour ridiculiser la duchesse d'Etampes en s'attaquant à son entourage... Le Dauphin fit courir le bruit que cette générosité cachait des faveurs bien spéciales... si vous voyez ce que je veux dire....

Si tu veut nuire à quelqu'un, tu peux t'en prendre à son entourage et prétendre que cette personne n'a su s'entourer que de gens de peu de vertu! En fait, on n'a rien inventé avec les fake news de réseaux sociaux et autres vilaines affaires de mœurs de périodes électorales !

Quand ces rumeurs parvinrent à Guy de Chabot, il opposa forcément un démenti et il aura fort à faire pour convaincre son père de son innocence, ainsi que de celle de sa belle-mère ! Comme l'on imagine, un chouïa énervé... il demande réparation et à pouvoir laver son honneur.

Même si rappelons le.... Ces duels judiciaires sont normalement interdits depuis la fin du 14ème siècle ! Les duels ont en fait continué sur les terres des vassaux du roi mais sous "autorisation royale" : le duel judiciaire ne disparaîtra pourtant que très tardivement dans l'histoire !

Les édits royaux pour tenter de les faire disparaître se succèdent mais sans réels résultats; la noblesse continuera de braver les interdits voyant dans ses duels une sorte de symbole de ses privilèges.

Après le problème, c'est que notre futur baron de Jarnac ne peut pas vraiment s'attaquer en direct au Dauphin en duel. On n'est pas sur le même niveau social et provoquer le Dauphin,
c'est provoquer Le Roi ! Enfin bref on boxe pas dans la même catégorie!

 

Alors entre en scène un nouveau protagoniste dans notre histoire : François de Vivonne, seigneur de la  Châtaigneraie, et ami du Dauphin, qui se dévoue pour dire qu'il était l'auteur des méchantes rumeurs. François de Vivonne, dit la Châtaigneraie, est réputé pour être l'un des meilleurs duellistes  de France et il est le vainqueur que tout le monde attend !
Donc le mec quand il arrive, il a quand même la confiance...

 


Mais quand Chabot demande au roi la permission de venger son honneur, François 1er la  refuse parce qu'il sait bien que tout ça, au départ, n'est que la cause d'une vague histoire de crêpage de chignons entre deux femmes jalouses ! Il refusera ce duel jusqu'à la fin de sa vie... ce qui  ne tarde pas trop...

Et en 1547 à l'avènement de Henri II, après la mort de François 1er, les deux  hommes renouvellent leur demande. Le roi répond favorablement et leur donne 30 jours pour pouvoir se préparer.  En même temps, il n'y est pas pour rien dans tout ce bazar!

La réputation de la Châtaigneraie en tant que duelliste était telle que Chabot va prendre des leçons avec un capitaine  italien qu'on retrouve dans certaines sources historiques. Ce maître d'armes va lui enseigner une botte secrète, un coup de revers inconnu jusque-là !

 

Jarnac n'est donc pas vraiment l'inventeur du coup  qui porte son nom aujourd'hui mais celui qui le fera entrer dans l'histoire !

 Selon le neveu de François de Vivonne, ce maître d’escrime conseilla également à Chabot, qui avait le choix des armes, d'imposer un équipement qui gênerait les mouvements de son adversaire connu pour être un bon lutteur. Oui dans le concept du duel judiciaire, c'est l'accusé qui choisit son équipement et l'adversaire doit prendre la même chose.

Le duel de Jarnac et de La Chataigneraie

Alors d'abord, ils vont se porter des coups sans vraiment se toucher... Cependant la Châtaigneraie porte la jambe  droite un petit peu trop en avant, Jarnac, dans un geste rapide et inattendu, lui atteint le jarret .

La Châtaigneraie fit quelques efforts pour se remettre sur ses pieds et alors que Jarnac l'avait  désarmé et allait le tuer le roi fit cesser le combat. Donc Jarnac a été déclaré vainqueur sous  les applaudissements de l'assemblée.  Son adversaire, quant à lui, est grièvement blessé et évacué. 

On raconte que La Châtaigneraie qui s'attendait à remporter facilement le duel, avait déjà tout organisé pour  donner un superbe festin le soir même. Humilié par sa défaite, qui plus est en présence  du roi, on dit que, de colère, il arracha les pansements et mourut quelques jours plus tard des suites de ses blessures.

Combat de la Chasteneraye et Jarnac - 1547On peut imaginer que, même si le roi lave l'honneur de Jarnac à l'issue  du duel, il a quand même un peu la quinte (comme on dit chez nous) ! On dit qu'ils fut si touché de la mort de La Châtaigneraie qu'il décida alors de ne plus jamais accorder de duel judiciaire pendant son règne et fait donc ainsi entrer le nom de JARNAC dans l'histoire comme étant, en  France, le dernier duel judiciaire autorisé par la magistrature royale.

Le duel judiciaire, vous l'avez compris, va progressivement disparaître au profit du duel d'honneur et ce déjà à partir du  règne de François 1er.  Le dernier duel en France, pour l'anecdote, a eu lieu en 1967 entre deux  députés dont l'un avait insulté l'autre en pleine assemblée et ce duel a même été relayé dans Paris Match !

 

Pourquoi est-ce que l'expression "Coup de Jarnac" est connotée négativement aujourd'hui?

Jusqu'au XVIIIe siècle, le "coup de Jarnac" était une expression synonyme d'habileté et d'ingéniosité !

A l'époque, personne n'a jamais contesté la victoire de Chabot, ni chez les chroniqueurs, ni chez les gentilhommes contemporains ! Son geste a été considéré comme étant loyal et parfaitement correct. L'expression était même devenue synonyme d'habileté! 

Cependant à partir du XVIIIe siècle et de la parution du dictionnaire de Trévoux rédigé sous la direction des Jésuites, l'expression va prendre à un sens péjoratif qu'on lui trouve encore souvent aujourd'hui. A la suite de la révocation de l'Edit de Nantes, les protestants diffusent leurs idées dans des gazettes imprimées hors du royaume de France. En réaction, les Jésuites impriment leur ouvrage intitulé "les Mémoires de  Trévoux" qui vont traiter de sujets variés qui vont de la critique littéraire à la science et à l'histoire, en passant bien évidemment par les questions religieuses!

L'objectif clairement  affiché, c'est de contrecarrer les nombreuses publications protestantes qui sont souvent rédigées par les huguenots français qui se sont réfugiés en Europe du Nord. Ce dictionnaire est souvent évoqué comme le tournant qui a fait basculer l'expression du "coup de Jarnac" du côté obscur... mais on retiendra avant tout que Jarnac (Chabot) était protestant et que les Jésuites étaient le pilier essentiel de la Contre-Réforme.

Donc en fait c'est pas très objectif tout ça !

A la fin du 19e siècle, Larousse et Littré vont rectifier cette expression qui avait été dévoyée de son sens initial en écrivant :

"Le coup fut trouvé fort habile et fournit une expression proverbiale 
qui a pris un sens odieux; mais c'est un tort de l'usage, le coup de Jarnac n'eut rien de déloyal !
C'est un coup loyal mais inattendu  et inespéré"

 3 trucs insolites à connaître sur le coup de Jarnac

???? Il ne devrait pas d'appeler "coup de Jarnac" puisqu'à cette époque là, son père Charles Chabot, étant encore en vie et tenant du titre de baron de Jarnac, Guy Chabot était seigneur de Montlieu mais pas encore baron de Jarnac. On devrait donc dire "Coup de Montlieu"!

???? Et si je vous disais qu'à cette époque là, Jarnac ou plutôt Guy Chabot (pas encore Jarnac) était maire de Bordeaux ???? Il faisait partie de cette série de "maires perpétuels" au XVI° siècle qui n'étaient pas élus mais nommés par le pouvoir royal qui escomptait ainsi mettre un terme aux luttes entre les familles de notables locales et s'assurer un homme à sa botte face aux Jurats par la même occasion !

???? Ironie de l'histoire ???? : C'est le même roi Henri II qui va jouer un rôle considérable dans la fin des duels judiciaires après la mort de son champion face à Jarnac... qui périra lui-même, lui aussi un 10 juillet (1559), après 11 jours d'agonie suite à sa participation obstinée à duel à cheval à la lance !

 

 

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